Bienvenue au Guatemala!

Bienvenue au Guatemala!
Lac Attitlan, Guatemala

Translate

dimanche 12 mai 2013

Le comptable des militaires


Je l’ai rencontré par hasard, un matin, en marchant vers le bureau.  Il m’a suivi. Nous avons jasé.  Tout comme moi, il est retraité, lui de l’armée et moi, de l’éducation. Il était caporal, puis lieutenant ou capitaine.  Il a oublié. Le plus important, c’était son travail de comptable. Il était le comptable des militaires. Ça, il n’a pas oublié.

Je ne l’ai pas revu pendant deux semaines. Puis, ce matin, en allant acheter les croissants du samedi à la boulangerie-pâtisserie, il était là, devant une boutique, achetant les denrées matinales. Nous nous sommes reconnus. Après avoir sympathisé un peu, il m’a lancé:

    - Viens visiter ma villa.  C’est la deuxième par là, tout près...”, en montrant du doigt la rue voisine.

Sans hésiter, je l’ai suivi devant les regards étonnés et curieux des autres clients. En marchant, il me raconte...

     -   Tu sais, quand je suis arrivé ici, le gouvernement m’a offert ce coin de terre pour un très bon prix. J’ai presque refusé parce qu’il n’y avait aucune autre maison dans ce quartier.  Cette maison est la première du quartier. Ils m’ont dit qu’un jour, il y aurait beaucoup de maisons. 

Ils avaient bien raison! Aujourd’hui, c’est un grand quartier très habité et surtout très recheché.

J’ai donc visité, ce matin, la plus vieille maison du Plateau, construite  dans les années 70.  Le quartier “le Plateau” de Niamey est, il ne faut pas comparer, un peu le pendant du Plateau Mont-Royal de Montréal. L’activité culturelle est omni présente et le quartier a une excellente réputation. Les boutiques d’artisanat, de meubles, les boulangerie-pâtisseries, on y trouve de tout! Et on s’y sent bien.

Sa maison est encore jolie, un peu vieillotte bien sûr, entourée d’un mur comme toutes les maisons d'ici, et sur la devanture, une immense galerie de larges tuiles blanches qui, j’en suis presque certaine, sert de chambre à coucher pour la nuit.

     - Vous avez combien d’enfants?

Il répond sans hésiter:

     - Beaucoup! en faisant un geste de la main qui fouette l’air frais de cette matinée de mai.

Puis, il ajoute ne plus savoir les compter. 

     - Il y en a qui sont mariés et qui sont partis, d’autres qui ont déjà 35 ans et pas encore mariés  (ce qui semble l’inquiéter un peu...) et plein de petits enfants qui courent tout autour.  "Beaucoup!" répète-t-il.

Puis, il me parle des canadiens qui ont travaillé à la construction de la route de l'amitié.  Il a connu Raynald Cloutier, le comptable des canadiens, qui est encore aujourd'hui, un véritable ami du Niger.   Le monde est vraiment petit... de plus en plus petit... Il se rappelle acheter des denrées au magasin des canadiens, surtout pour faire les fêtes, les cérémonies.  Il achetait même un peu d'alcool, la fin de semaine.

     -  Mais, vous n’êtes pas musulmans?

          -    Pas la fin de semaine quand le travail est terminé... me glisse-t-il un sourire en coin bien accroché au visage. 

Ses yeux, radieux, trahissent des souvenances amusantes, d'un autre temps...

Avant de le quitter, je lui demande la permission de le prendre en photo. "Je la mettrai sur l'Internet." D’emblée, il accepte puis, s’arrête, pour réfléchir.
        
         -   Attends une minute!  Pour la photo, je porterai mon costume militaire.  Je reviens tout de suite.

Il est disparu et il est revenu, un trésor ancien et usé entre les mains. Il a enlevé ses vêtements devant moi, sans scrupules, et a revêtu, pour l’occasion, le haut de son costume militaire.

       -   Photographie le haut seulement, me précise-t-il.

J’avais compris.

Fier et droit, Marouima se donna un air de lieutenant, juste pour l’occasion.

Louise

Marouima, le comptable des militaires

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire