Ce matin,
je contrôle mieux mes émotions mais lorsque j’ai vu partir Adiza et Azé hier
soir, j’avais le cœur un peu serré.
Adiza et Azé
sont deux jeunes adolescents de l'ethnie Peul Wodabé qui vivent dans le village de Tagayet dans le nord
du Niger à près de 800 km de Niamey. Je les avais invités à venir passer la fin de
semaine à Niamey parce que je n’ai pas la permission de me déplacer hors de la
capitale pour aller visiter les gens de Tagayet. Comme des ambassadeurs, ils
ont été choisis, ils sont venus et ils sont repartis.
Adiza et Azé viennent d'arriver à Niamey |
Vous voulez
savoir pourquoi ils ont choisi Adiza et Azé parmi une centaine d’enfants?
Si vous
avez lu mon livre, vous comprendrez encore mieux. En 2002, la maman de Adiza est une des femmes
qui m’a emmené, un jour, visiter les voisines en brousse. Elle me tenait la main et c’est elle qui
parlait un tout petit peu de français.
Le papa de Azé avait marché pendant trois jours et trois nuits pour apporter
le lait de ses vaches à l’invitée de Sanda.
Il avait appris la nouvelle de mon arrivée. Après trois jours de brassage, le lait transporté
dans une calebasse sur sa tête était un pur délice, digne des dieux. Le
meilleur lait caillé que j’ai dégusté dans ma vie.
Leurs
parents se sont semi sédentarisés autour du puits de Tagayet qui a été
construit en 2005 pour des familles nomades qui n’avaient aucun accès à l’eau
potable. Lorsque le puits a été
construit, un organisme français leur a construit une école à côté du puits et
les enfants, dont Adiza et Azé, ont commencé à apprendre le français. Pas beaucoup mais assez pour pouvoir lire un
peu.
Ils sont
arrivés vendredi, en après-midi, après une longue route en bus non climatisé. Visiblement fatigués, ils refusent de se
reposer. Ils sont un peu désorientés dans notre immense villa, ils sont un peu
gênés… Beaucoup de nouveauté d’un seul coup!
Tout
d’abord, les toilettes et la douche… C’est Sanda qui leur explique, en
fulfulde, le fonctionnement de ces appareils.
On installe leurs lits, c’est-à dire les couvertures qu’ils ont apportées,
sur des nattes, sur la terrasse, au grand air. Lorsque le repas du soir est
prêt, d’autres surprises les attendent.
Chez mes amis Peuls, les hommes mangent avec les hommes sur la natte, la
nourriture déposée dans une grande calebasse au centre du cercle. Les femmes mangent avec les enfants près du
coin cuisine. Dans notre villa, ils mangent comme nous, à la même table, chacun
avec sa propre assiette et sa portion de nourriture… Sanda leur explique :
- Ici,
on mange tous à la même table et les repas sont une occasion de discuter
ensemble, de jaser de la journée, des projets en cours, de la politique aussi.
Tous ensemble..
Ils survivent au premier repas…
Et à la
nuit…
Lorsque je
me lève le lendemain, Azé est déjà réveillé et cherche visiblement le coin toilette… Ensuite, je l’invite à me suivre hors des murs
de la maison. En marchant, je lui
demande :
- Que
mangez-vous aux repas chez toi?
- Du
riz avec un peu d’huile le matin et le soir.
- Et
la viande? Et les légumes?
Azé fait
signe que non.
Nous
achetons des baguettes de pain frais sorti du four. Il observe d’un œil curieux le boulanger-pâtissier
et tous ces gâteaux… Puis, sur le chemin du retour, nous achetons des charbons de bois, et du thé, et du
sucre. Ainsi, après le petit déjeuner – des fruits, du pain, des œufs frais et de la confiture - il pourra faire du thé. Comme son papa, s’il
n’a pas son thé, il aura mal à la tête.
Nous remplissons
la journée de visites culturelles et éducatives : les jardins cultivés par les enfants de
Libore, les jardins des femmes, la culture des mangues et du moringa, des
foyers pour les femmes qui apprennent la couture, la broderie, les pommades, la
fabrication de bijoux etc.. Une visite
au musée national. Ils voient pour la
première fois de leur vie des crocodiles, des hippopotames, des lions, des
porcs-épics, etc.. Des exclamations de
joie fusent à la vue de tous ces êtres vivants.
Hamani montre comment les enfants font des boutures aux manguiers |
Nous achetons un moringa et un manguier pour envoyer à Tagayet... |
Ils observent
les artisans à l’œuvre : les travailleurs du cuir, d’argent, les
sculpteurs sur bois, les tisserands, les teinturiers. Puis, ils voient
l’université et ses facultés d’éducation, d’agriculture, de mines,
d’administration, de soins infirmiers. Enfin, la tête sortie par la fenêtre de
la jeep, leurs yeux s’écarquillent encore très grands en voyant le fleuve Niger,
les pirogues qui glissent sur l’eau, les enfants qui s’y baignent, les
pêcheurs…
Et le soir,
nous passons du temps à faire des recherches par Internet. Ils cherchent des images de tout ce qui les
intéressent, le temps que nous avons. Deux doigts pour faire dérouler les
images, la touche « enter » pour changer de page. Émerveillement et
surprise à chaque « enter ».
Trop d’un
seul coup peut-être.. Je ne peux dire
mais le lendemain soir, ils repartent les bras chargés de nouveaux livres pour
apprendre le français et les mathématiques, des cahiers pour eux et pour leurs
amis et des instruments pour faire des mathématiques. Les remerciements fusent…
- Abarkidi..
abarkidi, abarkidi…
Hamani, le
président de l’ONG LIBO de Libore, notre guide, les ramène à la gare de bus où
ils vont dormir, dehors, jusqu’à trois heures du matin. On les réveillera à temps pour monter dans le
bus qui les ramènera chez eux 14 heures plus tard.
Adiza et
Azé repartent avec une mission : celle de partager ce qu’ils ont vu et
appris avec leurs amis de Tagayet. Et
ils ont aussi un grand désir : avoir un jardin.
Aussitôt
qu’ils auront de l’eau, ils feront un jardin,
comme celui des enfants de l’école de Libore.
Pour
réaliser ce rêve, il faudra de l’eau., beaucoup d’eau parce que l’eau, c’est la
vie!
Louise
... A suivre
... A suivre
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